Gemmage

Le gemmage est une opération qui consiste à blesser le pin pour en récolter la gemme ou résine.



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Définitions :

  • opération de récolte de la résine en incisant le tronc des pins. Grume : tronc d'un arbre abattu et coupé. (source : arbocentre.asso)
Pin gemmé en Pays de Buch

Le gemmage est une opération qui consiste à blesser le pin pour en récolter la gemme ou résine.

Présentation

La résine circule dans les canaux résinogènes, qui se trouvent sur le pourtour de l'arbre. Elle permet de la cicatrisation quand le pin est entaillé, légèrement comme les plaquettes dans le corps humain. Elle est composée à 70% de colophane (ou arcanson en gascon, qui est à l'origine du nom de la ville d'Arcachon), 20% d'essence de térébenthine, et 10% d'eau.

L'invention du gemmage remonte à l'époque Gallo-romaine, mais le procédé se généralisa dans les Landes de Gascogne à partir du milieu du XIXe siècle avec la fin du dispositif agro-pastoral et le boisement massif de la plaine sableuse des Landes.

On peut distinguer fréquemment le gemmage à vie, modéré et qui permet la croissance de l'arbre, du gemmage à mort qui l'épuise en quelques années avant son abattage.

Le gemmage est une activité particulièrement caractéristique de l'exploitation respectant les traditions de la forêt de pin des Landes. On retrouve aussi la pratique du gemmage, dans une moindre mesure, en Provence durant le XXe siècle.

Une technique ancestrale : le gemmage au «cròt»

Gravure de 1818 illustrant le gemmage au "crot" à la Teste de Buch

Depuis plus de 2000 ans, des îlots de forêt spontanée occupaient une grande partie de la région. On retrouvait ces forêts millénaires sur la côte, comme à Lacanau, Le Porge, La Teste de Buch, Biscarrosse, et en Marensin. Les Romains y exploitaient déjà la résine, surtout pour le calfatage des bateaux. La pratique connue la plus ancienne est celle du gemmage au «cròt» (trou en Gascon).

Pour récolter la résine, les anciens gemmeurs creusaient un trou au pied du pin, généralement entre les racines, qu'ils tapissaient de mousse. Ils réalisaient ensuite une incision dans l'arbre nommée care avec le hapchòt (hache en gascon, ayant l'extrémité recourbée). De cette blessure coule la résine qui sera récoltée trois à quatre fois par an, c'est l'amassa. Il fallait régulièrement reprendre l'incision, car l'arbre cicatrise rapidement. La care pouvait ainsi s'élever jusqu'à 4 m. À cette hauteur, les résiniers utilisaient le pitèir, sorte d'échelle à un seul montant qui nécessitait un bon sens de l'équilibre ! Vers la fin de la saison (au mois de novembre), on grattait la care pour récupérer la résine cristallisée. Cette méthode n'était pas vraiment optimale car la résine obtenue contenait énormément d'impuretés (sable et brindilles) et l'essence de térébenthine s'évaporait quand la résine coulait le long de la care.

Invention du pot de résine, le gemmage traditionnel

Une care avec son pot de résine

Pierre Hugues, avocat et agriculteur bordelais breveta vers 1840 un nouveau dispositif pour récolter la résine qu'il mit au point à Pessac. Une partie uniquement de son procédé, quelque peu compliqué, sera reprise : l'utilisation d'un pot en terre cuite coincé entre une lamelle de zinc et un clou au bas de la care pour récolter la résine. Ce pot était dit ascensionnel car il suivait chaque année la montée de la care. Le principal avantage était que la résine récoltée contenait moins d'impuretés, et c'est ainsi que durant la seconde moitié du XIXe siècle ce procédé se généralisa. Le hapchot aussi évolua, la lame devint plus étroite et son tranchant était orthogonal à l'axe du manche, par opposition à la hache respectant les traditions, où le tranchant est parallèle.

Le gemmage à l'activée

Une autre technique fut introduite en France dans les années 1950, celle du gemmage à l'activée qui consistait à pulvériser de l'acide sulfurique sur la care augmentant le rendement, mais attaquant le pin en profondeur. Cette technique fut mise au point en Russie et en Allemagne durant la première guerre mondiale. La saison chaude étant particulièrement courte, et la main d'œuvre faisant défaut à cette époque, des recherches permettant d'augmenter les rendements et de diminuer le temps passé par les opérateurs sur les arbres furent développées, consistant à appliquer des activants sur les cares. Les Américains reprirent ces travaux et exportèrent le gemmage à l'acide sulfurique en France dans la seconde moitié du XXe siècle. L'acide sulfurique maintient les canaux conducteurs de résine ouvert et ralentit la cicatrisation. Le pin réagit à la blessure en produisant davantage de résine. Les piques peuvent être pratiquées à intervalles moins réguliers (15 jours au lieu de 7 au hapchot) pour une récolte plus rapide (15 jours au lieu d'un mois au hapchot). L'outil utilisé est une "rainette", incorporant à la fois une lame tranchante de 2 cm de large, permettant de pratiquer une pique horizontale sur 10 cm, avant de pulvériser l'acide grâce à un bidon à embout aérosol fixé sur le manche de l'outil. Cette technique a cœxisté avec le gemmage au hapchot dans la totalité du massif gascon, jusqu'à la disparition du gemmage en 1990.

Déroulement d'une campagne de gemmage

Pelage et barrasquage

Une campagne de gemmage débute début février. On dit qu'un pin est prêt à être résiné dés qu'on peut l'entourer de son bras sans apercevoir sa main.

Il faut alors préparer la future care, qu'on place à l'Est car elle est à l'abri des intempéries. Pour cela on utilise le sarcle à peler, outil en acier, recourbé qui va permettre de racler l'écorce. Le pelage est une opération délicate car il faut laisser une fine épaisseur d'écorce en évitant de blesser le pin prématurément.

Cramponnage

Vient ensuite le cramponnage, qui consiste à placer une lame de zinc incurvée dans le pin (le crampon), grâce au pousse-crampon, pièce en métal présentant une extrémité convexe et tranchante, qu'on cogne avec un maillet. Le crampon va retenir le pot et en particulier guider la gemme à l'intérieur. Pour préparer le bassot (la première care qu'on ouvre au pied du pin) on place le zinc légèrement au-dessus du sol pour pouvoir placer le pot juste en dessous. Pour les arbres dont la care à déjà au moins un an, on place le crampon à à peu près 10 cm du haut de la care de l'année précédente, ainsi qu'une pointe légèrement plus bas, pour retenir le pot qu'on coince entre le zinc et le clou.

La pique
Les outils pour la "pique"

Vers la mi-mars, on réalise la première pique à l'aide du hapchot. Pour les cares de première année, on entaille l'arbre juste au-dessus du crampon, pour celles de deuxième, troisième, quatrième année et plus, on poursuit l'entaille de l'année précédente.

La profondeur de la care ne doit pas excéder 1 cm.

Pour que la résine coule régulièrement, il faut rafraîchir les cares l'ensemble des semaines en progressant de quelques centimètres vers le haut à chaque pique. Les copeaux qui tombent sont nommés des galips et sont gardés pour allumer le feu.

La pique occupe les gemmeurs durant la majorité de la campagne de gemmage, jusqu'au mois d'octobre. On progresse généralement de 1 m par an, les cares qui ont plusieurs années peuvent atteindre jusqu'à 5 m. Le résinier montait alors sur son pitey pour pratiquer la pique. Le béret Landais formait lui aussi un outil de travail, dans la mesure où il protégeait les yeux du résinier des petits copeaux de bois.

À ce stade, la température et l'ensoleillement sont décisifs, plus il fait chaud, plus la résine coule.

Les outils de transport
L'amasse (récolte de la résine)

Lorsque les pots étaient pleins, la femme du résinier les vidait grâce à une petite spatule (la palinette) dans des escouartes (récipients de 16 litres en bois ou en zinc), c'est l'ammasse. Les escouartes seront à leur tour vidées dans des barriques en métal pour être enfin acheminées vers les distilleries de résine.

La campagne se termine au mois de novembre avec l'arrivée de l'hiver. La dernière étape est le barrasquage. Le résinier entoure le pied du pin avec un drap et gratte la résine séchée sur la care pendant toute l'année avec le barrasquit. Le barras (résine sèche tombée sur le drap) est ensuite ajouté à la résine molle dans la barrique.

Au fil des saisons, le résinier entamera de nouvelles cares autour de l'arbre, ainsi un pin peut être gemmé pendant près de 80 ans. Un résinier devait en moyenne s'occuper de 4000 pins, qui produisaient chacun à peu près 2, 5 litres de résine par an en sachant qu'une care produit 1 à 1, 5 litre par an.

Avec le temps, des bourrelets se forment sur les cotés de la care, l'arbre cicatrise. Mais cette cicatrisation est rarement complète, et certains pins gemmés à mort (sur tout le tour de l'arbre) ont été tellement sollicités, qu'en cicatrisant ils s'évasent dans leur partie inférieure. On les nomme des pins-bouteilles.

Le traitement de la gemme

Coupe transversale d'un pin gemmé : on aperçoit l'empreinte arrondie de la carre, et les bourrelets qui sont venus de chaque côtés assurer la cicatrisation

Pour satisfaire des industries chimiques qui reposaient sur la distillation de la résine de pin, il fallait récolter des quantités énormes de ce produit.

Les barriques remplies de résine, sont acheminées vers les distilleries. De tout temps, la résine issue des forêts du littoral était de meilleure qualité, les pins étant plus vigoureux et le climat plus clément. A titre d'exemple, les résines de La Teste de Buch se vendaient plus cher et étaient d'excellente qualité : on pouvait en extraire jusqu'à 22, 1 % de térébenthine contre 19, 9% à Dax et 19, 5% à Mont-de-Marsan.

Après la réception des barriques, il fallait épurer la résine, qui contenait fréquemment de l'eau et quelques débris végétaux. Vient alors la distillation elle-même. De l'eau pure est ajoutée à la gemme, le tout est chauffé à une température inférieure à 185°C. À 100°C, les vapeurs d'eau entraînent la térébenthine qui passent dans le serpentin où elles se liquéfient, et sont ensuite récupérées. Lorsque la température atteint 180°C, on filtre le résidu obtenu au fond de la cuve. On obtient alors un produit nommé brai ou colophane selon sa teinte : les plus foncés étaient les brais redivisés en trois catégories, les plus clairs : les colophanes, elles aussi redivisées en trois catégories. Les meilleures colophanes étaient exposées au soleil et prenaient une teinte jaune pâle, elles étaient particulièrement recherchées. On les produisait essentiellement à La Teste, et étaient nommées les «colophanes du soleil».

  1. les produits d'entretien
  2. les peintures et les vernis
  3. les produits de synthèse (caoutchouc, parfums, etc. )
  4. l'industrie pharmaceutique

Les brais et colophanes quant à eux servaient dans la fabrication de l'encre noire d'imprimerie, de savons, de linoléums, plastifiants, colles, huiles et graisses industrielles, etc. On s'en servait aussi pour frotter les crins d'archet des violons. Les plus belles colophanes étaient même gardées pour le glaçage des papiers. En soumettant divers déchets imprégnés de résine à une forte chaleur, on pouvait qui plus est extraire certains goudrons qui étaient gardés pour le calfatage des bateaux.

L'exploitation de la résine fournissait du travail à la plupart d'artisans, du potier au forgeron pour les outils, en passant par les employés de l'usine de distillation, et les gemmeurs évidemment, sans oublier non plus chimistes et tonneliers.

Le calendrier du gemmeur

Un résinier sur son pitey (1903)

En fin de mois, depuis le début de la pique jusqu'au début du barras (résine durcie sur la care), se fait l'amasse, c'est-à-dire la collecte de la gemme. Les pots sont vidés dans des fûts qui seront acheminés vers la distillerie.

Glossaire

Pousse-crampon

Quelques termes liés au gemmage :

Aujourd'hui

Une care au mois d'août

Le gemmage a décliné progressivement après les années 1960, et a complètement disparu en forêt de Gascogne en 1990. L'industrie chimique (essence de térébenthine et autres dérivés terpéniques, par exemple) a trouvé d'autres sources plus économiques pour ses produits de base en important de la gemme étrangère à faible coût de main-d'œuvre.

Aujourd'hui, l'exploitation touristique et publicitaire de la forêt donne lieu à la vente de petits pots de terre particulièrement identiques à ceux qui étaient utilisés à l'époque. Cette activité qui a longtemps été l'unique activité industrielle de la région landaise est devenue une caractéristique, une icône des Landes (au même titre que les échassiers landais). Cette icône se retrouve sur de nombreuses cartes postales destinées au tourisme et on la retrouve aussi dans le cadre de l'écomusée de Marquèze et de quelques sentiers de présentation du gemmage.

Des projets de relance ont vu le jour au début des années 2000, sans suite à l'heure actuelle.

Poème

Théophile Gautier évoque la pratique du gemmage dans son poème Le Pin des Landes. Dans une lettre du 5 juin 1845, il rédigé :

«Ne sachant à quoi m'occuper l'esprit pendant cette route interminable, je m'amusai à composer la petite pièce en vers suivante, inspirée par ces pins mélancoliques»[1].

Un extrait :

Car, pour lui dérober ses larmes de résine,
L'homme, avare bourreau de la création,
Qui ne vit qu'aux dépens de ceux qu'il assassine,
Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon !

Sources

  1. E. Maynal, Anthologie des poètes du XIXe siècle, Paris, Hachette, 1935, p. 277.

Voir aussi


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